" Le gallo varie d'une commune à l'autre "
Naturellement, il existe en gallo comme en toute langue des variantes. Ainsi en français régional de l'ouest un “pochon” est un “sachet”, en français régional de catalogne ce sera une “bourse”.
En gallo la plus grande variété s'explique par le fait que la langue a été peu écrite et jamais normalisée ni enseignée jusqu'à une époque récente. Le lexique peut osciller entre foisonnement et unicité.
Ainsi la consultation de l'ALBRAM nous montre que “gapi” (vermoulu) est largement répandu en Haute-Bretagne (carte 322), de même que “doué” (lavoir) , carte 483, geroué (gelé) carte 544 ou merienne (bourdonnement des jours d'été, sieste) carte 558. D'autre part, la phrase suivante proposée dans une enquête par l'abbé Guillaume, 1965 pages 524 525 : “ Dans cette famille nombreuse, il y a un(e)… d'enfants” a fait apparaître 53 mots dont : “ coscorée, herquelée, teryalée, troplée, couée…”.
Notons la constance du suffixe -ée marqueur de la quantité.
D'autre part, insister sur la multiplication des formes, conduit parfois à laisser entendre que “ l'on ne se comprend pas d'une commune à une autre”. En réalité, l'intercompréhension est surtout une question de stratégie. On peut chercher à brouiller le message si on tient à se distinguer des autres.
D'une manière générale, une langue n'a pas pour unique fonction de permettre l'intercommunication généralisée. Lorsque l'on lit “ la fonction d'un système phonologique est purement distinctive dans la mesure où il n'y pas de relation entre les traits pertinents”, on la reconnait immédiatement comme française sans obligatoirement en comprendre le sens.
La compréhension n'est donc pas un critère suffisant pour juger si on a affaire à une langue ou non. On peut ainsi objecter que la compréhension est possible entre langues reconnues différentes. André Martinet, Eléments de linguistique générale 1966 page 149 écrit qu' “ un Danois et un Norvégien qui s'aperçoivent que l'un dit sk là où l'autre dit s sont sur la voie de la compréhension mutuelle”.
De même en gallo si vous savez que le mot sair (soir) peut se prononcer sèr, saï, sa, le mot vair (voir) vèr, vaï, va, la phrase “le sa-là, on alit va les contous” ne devrait pas poser de problème à celui qui dit “ le sair-là, on alit vair les contous”.
Enfin, il est pour le moins curieux de dire que les gallos ne se comprennent pas entre eux et de dire comme on l'entend parfois que le gallo est compris par ceux qui ne le parlent pas!
Citons ce que dit JP Chauveau 1984 page 26 à propos de la parabole du Fils prodigue dans la version de Melle Adèle Denys : “le texte à l'écoute reste incompréhensible pour des francophones sans la moindre expérience du gallo et à la lecture malgré une graphie de type français un certain nombre d'éléments restent énigmatiques.”
En fait la compréhension relève de la compétence linguistique, la culture des auditeurs ou lecteurs et de leur stratégie de communication.